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(Texte de Gabrielle Létourneau, étudiante en écogéographie à l’Université du Québec à Rimouski)

Bonjour à tous,

Je vous écris ce message car je suis votre amie, soeur, fille, nièce ou juste une autre étudiante que vous croisez une fois de temps en temps, et je souhaite partager avec vous ce qui m’arrive aujourd’hui, dans ma vie d’étudiante. Vous expliquez pourquoi je suis si fatiguée, stressée et inquiète, mais surtout, pourquoi je fais partie de ceux qui se battent pour leur idées et leur vision de ce qui, selon moi, devrait être.

Comme vous le savez, le mouvement étudiant contre la hausse prend de l’ampleur à mesure que les jours passent, à mesure que les votes d’Assemblée Générale se font. Vous avez dû en entendre parler dans les médias, je suis également tout ce qui se dit et s’écrit sur le sujet. J’ai voulu, pour commencer, fouiller dans tous les documents qui me tombaient sous la main (articles, études, vidéo, texte d’opinion, etc) afin de connaître les arguments des deux camps et ainsi, me monter un argumentaire, prendre position. C’est ce qu’on nous enseigne à l’école, avoir une opinion critique sur un sujet. J’ai donc fait mes devoirs, comme une bonne étudiante assidue.

Je ne vous cacherai rien, je suis contre la hausse des frais. Et j’en suis venue à cette conclusion par (1) principes, (2) valeurs et (3) arguments qui démontrent que non, la hausse n’est pas obligatoire, elle peut être évitée. Et même facilement. Le débat ici n’est pas un débat qui devrait être basé sur l’argent. L’argent, on l’a! C’est là où on décide de la placer qui fait la différence. Et là, je ne vais pas me battre sur l’économie, je ne suis pas économiste. Je vous demande plutôt de regarder les liens que je vous ai mis plus bas, liens que j’ai sélectionné dans TOUT ce que j’ai consulté et qui, selon moi, devrait être lu par tous.

Sur quoi débattre alors? De nos valeurs et de notre vision. Le débat sur la hausse est une question de choix de société et elle regarde donc TOUTE la société, pas que les étudiants. Parce que la lutte qu’on mène présentement n’est pas que pour nous et nos prochaines sessions:

– Elle est pour ceux qui vont suivre après nous…

– Elle est pour nos futurs enfants…

– Elle est pour la société dans lequel nous voulons vivre…

– Elle touche donc tout le monde, TOUTE la société.

On nous dit à tour de bras que l’opinion publique n’est pas de notre bord. On nous traite d’enfants gâtés, d’hippies, de socialistes et plein d’autres noms qui ne méritent même pas d’être répétés ici. Ceux qui sont contre la grève nous accusent de détruire leur session. Vous savez quoi? Ma session à moi aussi va en écoper! C’est la session de tout le monde qui est touchée. Si on regarde à court terme, oui… on est tous perdant. Mais le débat n’est pas seulement pour à court terme, c’est à long terme qu’il faut le voir. Les effets de la hausse a long terme sont mis de côté et c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire…

J’ai 25 ans. J’ai fait un retour aux études l’année dernière à l’Université de Montréal. Ma passion? Étudier la Terre, la nature, les plantes et en comprendre l’équilibre. Comprendre les écosytèmes ! Avec les changements climatiques (un autre sujet de l’heure) et l’idée du développement durable, je considère mon domaine d’études comme étant essentiel pour la société. J’adore étudier et apprendre, même si c’est très exigent. Par contre, ce n’est pas comme médecine ou droit, je ne vais pas faire un salaire de fou suite à mon baccalauréat. Mais c’est la géographie qui me passionne, alors c’est ça que j’étudie ! Mais là, avec la hausse, j’aurais dû choisir un domaine où je vais faire plein d’argent après, non? C’est ça le message du gouvernement, « vous allez faire plein d’argent après anyway ». Dommage, on aurait dû me le dire avant. Je ne savais pas que le but des études étaient de faire le plus de cash possible, je croyais qu’on étudiait ce qui nous passionnait.

Si la hausse passe, je devrai travailler au moins 25-30 heures pour pouvoir payer ma session à temps. Voyons voir:  je fais 5 cours par session pour terminer mon baccalauréat à l’automne 2013 et enfin, travailler dans MON domaine (et plus à salaire minimum comme la plupart des jobs étudiantes). Cette session, je suis chanceuse, je n’ai que 2 périodes additionnelles de laboratoire, ce qui me fait 7 périodes à mon horaire. La session prochaine, avec mes cours en biologie, j’en aurai 9. Ça va faire 27 heures de cours. En rajoutant mon étude (beaucoup de « par coeur ») et les nombreuses sorties de terrain en géographie, ça me fait des semaines très remplies. Je passe beaucoup d’heures à étudier, mais c’est normal… c’est pour ÇA que je suis là! J’ai quand même voulu me trouver un emploi cette session, mais mon horaire ne me le permet pas ou sinon, je ne peux pas étudier comme j’en ai besoin pour réussir et performer, la raison première de ma présence ici. Maintenant, 27 heures d’études + 25-30 heures de job (pour arriver avec un salaire minimum), ça fait 52-57 heures de ma semaine de prise. Où j’étudie là-dedans? Je croyais que j’étais étudiante…! Passons.

Je vis de façon très modeste: pas de TV, pas de cellulaire, je m’habille dans les friperies parce que ça coûte moins cher et c’est du recyclage de vêtements en très bonne état, j’achète les spéciaux à l’épicerie et je vais jamais magasiner. Je regarde mes amis autour de moi et nous sommes tous dans cette situation. Maitenant, nous sommes des enfants gâtés? Oui, la majorité d’entre nous ont des laptops, c’est le 21e siècles! J’ai, comme plusieurs autres, obtenu un prêt pour m’acheter mon ordinateur portable. Maintenant, si vous doutez de la pertinence d’avoir son propre ordinateur à l’université d’aujourd’hui, allez vous promener dans les bibiothèques et comptez le nombre d’ordinateurs. Puis, calculez le nombre d’étudiants. Aussi, dans bien des cas, toutes les notes de cours sont sous forme de PowerPoints. Et on prend des notes, directement sur notre ordi. Ça sauve du papier, vous n’avez pas idée! Et pour ce qui est des étudiants avec des IPhones, sachez que la plupart, c’est un cadeau de leurs parents. Alors, est-ce parce qu’on est étudiants, on ne doit pas avoir de biens ni de cadeaux? Moi, j’ai un violon. Si la hausse passe, allez-vous me dire de le vendre pour m’aider à payer mes études!?! Suis-je considérée comme une « enfant gâtée » parce que je possède un violon? Passons.

Le point majeur qui m’inquiète, c’est l’accessibilité aux études pour TOUS. Et il est surtout là le problème. Même la Ministre l’a confirmé: C’est la classe moyenne qui « devra faire le plus gros effort ». Mais qu’est-ce que ça veut dire? Que la classe moyenne sera la plus pénalisé peut-être? N’est-ce pas la majorité d’entre nous? Combien ici n’ont pas le droit aux prêts et bourses? Combien de personnes je connais qui se transforment en « zombies » en fin de session parce qu’ils travaillent comme des fous pour contrer le manque d’appui des prêts et bourses? Alors, qu’allez-vous leur dire? Qu’ils doivent faire un plus gros effort?? Comment est-ce possible? Et la santé des étudiants, on en fait quoi? Tant physique (manque de sommeil) que mental (STRESS). Pleins de questions… aucune réponse. Comme d’habitude.

Souvent, en lisant les commentaires de la population qui nous traitent de paresseux, chialeurs, enfants gâtés et qu’ils nous disent que ça va être pire une fois qu’on va travailler, par les obligations et les taxes à payer, bref… qu’on chiaile pour rien, je me dis qu’il ont oublier ce que c’était la réalité étudiante. On a pas encore de diplôme. On a des jobs à salaire minimum. En plus de travailler juste pour pouvoir vivre adéquatement (loyer, épicerie, etc.), on étudie. Avez-vous oublier ce que s’est qu’étudier? Avez-vous déjà oublier ce qu’est le stress et la fatigue de fin de session? Et le stress de compter ses cennes pour être certain de pouvoir manger pour tout le mois? Et maintenant, vous nous dites qu’on fait pas notre « juste part ». Parlant de la « juste part », vous nous demandez d’avoir des responsabilités d’adultes, comme les travailleurs, mais on travaille pas encore. On étudie pour avoir nos diplômes, pour ensuite travailler. Vous nous demandez de payer plus, alors que de l’argent, on en a pas encore. C’est tout simple. On va en avoir une fois diplômé, je vous le promets! On va contribuer avec plaisir! Mais pour ça, il faut un diplôme. Pour avoir un diplôme, il faut étudier. Pour étudier, il faut que l’université nous soit accessible. Couper l’accessibilité, vous coupez dans l’argent qu’on fait au bout, argent qui sera réinvesti dans la société pour vous, pour nous et pour la prochaine relève. Bref, tout le monde y gagne! On nous dit qu’il y aura beaucoup plus de retraités dans les prochaines années et donc, qu’il faut plus d’argent pour aider pour les pensions et tout. Ben justement! La société gagnerait tout à investir dans l’éducation des jeunes pour que le maximum d’entre eux fasse plus d’argent. Pas besoin d’être économiste pour comprendre ça, c’est logique, non?

À l’heure actuelle, nous sommes présentement 64 966 étudiants à être en grève. Environ 8 381 étudiants ont voté majoritairement POUR la grève et attendent l’atteinte de leur plancher pour embarquer avec nous. Il reste environ 80 000 étudiants qui se prononceront dans les deux prochaines semaines. Et le gouvernement s’entête à dire que ce n’est qu’une minorité qui se préoccupe de la question? Au début, la ministre de l’éducation nous a simplement dit qu’on ne serait pas assez à se mobiliser. Aujourd’hui, elle choisit de rendre la grève étudiante illégale !?!  Son discours: Vous avez le droit de manifester, mais les cours, peu importe les résultats des votes des associations étudiantes, auront lieu (donc, les examens aussi!). Si nous bloquons l’accès aux professeurs et chargés de cours, la direction de l’université a le droit de faire appel à la police pour nous « tasser ». Et là, on parle de lignes de piquetage pacifique (voir le vidéo plus bas des étudiants du cégep de St-Laurent). On a voté en assemblée… le gouvernement ne le tient pas en compte. Après, on nous enseigne qu’au Québec, nous vivons dans une démocratie. Quelle démocratie? Elle est où la démocratie?

Beaucoup aime, comme argument POUR la hausse, comparer le Québec aux autres provinces du Canada et même aux États-Unis. Pourquoi se comparer à eux? Pourquoi ils devraient être nos modèles? Sincèrement, pensez-y deux minutes… c’est ça que vous voulez? Avoir le même genre de société qu’eux? Suis-je la seule qui, par mes idées, mes valeurs et ma vision de notre société, suis-je la seule qui ne se reconnait pas du tout dans ce que le gouvernement veut faire du Québec? Je n’ai absolument rien contre ce qui ce fait ailleurs au Canada ou aux États-Unis, mais ce n’est pas ce que je veux. N’y aurait-il pas d’autres exemples meilleurs et plus proche des valeurs que nous avons toujours défendues sur lesquels nous pourrions nous inspirer? (voir le vidéo de Geneviève Bois plus bas)

Vous connaissez tous au moins une personne qui sera touché par la décision de la hausse des frais. Pour certains, les prêts et bourses les aideront et ils pourront étudier. Pour d’autres, ce sont leur parents qui leur apporteront un soutien financier. Mais, pour la majorité, ils auront ni un, ni l’autre. Alors, pour les parents d’entre vous, si vous avez les moyens d’aider vos enfants dans leurs études, ils ont beaucoup de chance. Mais dites-vous que leur amis, vos neveux et nièces, les autres étudiants que vous croisez quand vous allez à l’épicerie, au restaurant ou à la pharmacie, et que vous trouvez dont bien sympathiques, n’ont peut-être pas cette chance. Et moi, je me dis qu’ils ont autant le droit que vos enfants d’aller à l’université. Qu’en pensez-vous? Pour les étudiants, si de façon personnelle, la hausse ne vous affecte pas, je suis heureuse de savoir que vous n’avez pas à gérer, en plus de nos fins de session, un stress continuel appelé ARGENT, à savoir si vous aller en avoir assez. Vous êtes une minorité. Alors, si vous ne voyez pas la pertinence de faire ce combat pour vous, faites le pour ceux qui n’ont pas cette chance. Faites le pour ceux qui nous suivent, pour vos futurs enfants. Peut-être que vous vous dites que vous allez faire plein d’argent en sortant et que vous leur payerez leur étude. Mais, s’il y a une chose que j’ai compris jusqu’à maintenant, c’est qu’on ne sait jamais ce qui peut nous arriver. Alors, votons un plan de société pour nous, nos enfants et nos ainés. Nous avons une grande responsabilité sur nos épaules, en tant qu’universitaires, en tant que « relève », en tant que génération!

Finalement, sachez que oui, la hausse m’affecte beaucoup. J’ai quand même plus de chance que d’autres, j’ai droit aux prêts et bourses! La ministre de l’éducation nous dit que le système sera bonifié, mais c’est drôle, dans mon cas… il n’arrête pas de m’en enlever. Si la hausse passe et que mes prêts et bourses ne bouge pas, je ne pourrai pas terminer mon baccalauréat, faute d’argent. Je ne suis pas moins intelligente qu’un autre, j’ai juste moins d’argent. Comme plein d’autre.

Vous allez me dire: Gabrielle, travailles en même temps que tes études! C’est ce que je voudrais, très sincèrement, travailler environ 15hrs par semaine pour avoir un peu d’argent qui rentre. Mais tant qu’à travailler 25-30 heures par semaine et couper sur mon étude… je vais lâcher les études! J’y gagne rien. Et je vais détruire ma santé comme ça. Aussi, parce qu’anyway, j’étudierai plus, j’vais passer mon temps à travailler. 30 hrs par semaine, c’est du temps plein. Je suis déjà aux études à temps plein. Donc, je peux pas faire les deux à temps plein, c’est illogique!

Je vous laisse sur ces documents, lisez les, ça vaut la peine ! J’appuie particulièrement sur l’écoute du vidéo de Geneviève Bois. Je crois que ça résume de beaucoup ma prise de position face à ce débat. Finalement, voici le lien pour signer la pétition contre la hausse des frais

On est dû pour un changement et une prise de conscience dans nos valeurs, c’est ce que votre relève étudiante est en train de vous dire. Mais pour ça, on a aussi besoin de vous: c’est-à-dire la société !

Vidéo de Geneviève Bois, étudiante en médecine de l’Université de Montréal

IRIS: Institut de recherche et d’informations socio-économiques (Plusieurs études sur l’impact réel de la hausse)

Blog de Simon Crépault, finissant en droit à l’UQAM

Communiqué du gouvernement: « L’impact sera plus grande sur la classe moyenne »

Création de l’université parallèle

Le gouvernement face la démocratie étudiante (Le Devoir)

Vidéo du Cégep de St-Laurent à Montréal

Gabrielle Létourneau